Catégorie : Expertise
Partager Array

L’objectif peut paraître vertueux, voire intangible : influencer les normes sociales afin d’améliorer la santé humaine et environnementale. Il existe plusieurs moyens pour y parvenir, notamment la mobilisation des connaissances


Se mobiliser, être mobiliser : rassembler toute son énergie, toutes ses forces pour l’accomplissement de quelque chose ; être motivé et prêt à agir
*.

Pour le dictionnaire Larousse (et pour l’équipe M361 !), mobiliser est un verbe transitif. Au sens littéral, cela signifie qu’il nécessite son complément. Nous mobilisons donc quelqu’un ou quelque chose : un public cible, des partenaires, des décideurs ou encore, des connaissances. Selon l’objectif souhaité, ce choix sera mûrement réfléchi, mais toujours avec le même objectif en tête : influencer la norme sociale en faveur d’un changement favorable à la santé humaine ou environnementale. 

Au sens figuratif, mobiliser est transitif dans le sens qu’il mène au changement. Que l’on mobilise des gens ou des connaissances, notre intention est la même : on vise l’action transformatrice, l’engrenage du moteur qui s’engage et qui entraîne avec lui une série de réactions en chaîne. Un effet domino qui assure, lentement mais sûrement, le changement de norme sociale. 


Quelles connaissances mobiliser pour changer une norme sociale ? 

À cette question, trois éléments de réponse.  

  1. Les connaissances scientifiques : celles qui émanent de la recherche. 
  2. Les connaissances du terrain : celles qui sont générées par l’expérience des acteurs du terrain, qui ont fait passer « l’épreuve de la réalité » à des idées ou à des approches et qui peuvent ainsi témoigner de leurs apprentissages, au profit du collectif. De plus, on entend parfois que la nécessité est « mère de l’innovation ». En effet, des innovations ont souvent émergées des besoins du terrain.
  3. Le regard géographique/sociologique : ici, ce sont des connaissances qui émergent à la suite d’une brève analyse réalisée sur des enjeux. Il est précieux de prendre le temps de poser un regard sociologique ou géographique sur des situations, des enjeux, des comportements. Puisque ces situations, enjeux, ou comportements s’inscrivent dans des contextes diversifiés où les valeurs, les croyances, des circonstances, et des représentations sociales sont partagées. Elles nécessitent qu’on s’y attarde pour mobiliser le collectif de façon sensible et efficace
      

Les connaissances entre le point A et le point B : le point pivot de la norme sociale  

Selon la théorie de Malcolm Gladwell**, pour qu’un comportement devienne normalisé dans la société, il faut que 15 % de la population l’adopte. En augmentant le nombre de personnes influentes dans ces premiers 15 %, le point de bascule se fait plus rapidement. C’est pourquoi la mobilisation des connaissances chez M361 s’adresse principalement à des personnes engagées pour la santé humaine ou environnementale, des professionnels, des décideurs, des influenceurs (pas seulement sur le web : des influenceurs dans la vraie vie municipale, scolaire, communautaire…). 

 

 Un exemple de mobilisation des connaissances : le bannissement des sacs plastiques à usage unique 

L’utilisation des sacs plastiques à usage unique a longtemps été la norme dans de nombreux pays. Au Québec, entre 1,4 à 2,7 milliards de ces sacs étaient distribués chaque année (Statistique Canada, 2006). Cependant, leur impact négatif sur l’environnement (pollution des océans, menace pour la faune marine, etc.) a poussé des gouvernements, des organisations et la population à chercher des moyens de modifier ce comportement de consommation.  

  1. Connaissances scientifiques : Les études scientifiques sur les impacts environnementaux des sacs plastiques ont joué un rôle clé. La recherche a démontré que ces sacs peuvent mettre des centaines d’années à se décomposer. Les données ont montré qu’entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de plastique entreraient dans les océans du monde chaque année, entraînant des conséquences graves pour la faune (Jambeck et al. 2015). Ces données ont été vulgarisées pour sensibiliser le public et convaincre les élu·es de passer à l’acte.
  2. Connaissances du terrain : Des initiatives locales ont été lancées pour tester des solutions à petite échelle. Grâce aux données colligées à la suite de ces projets, de plus grands joueurs ont ensuite décidé de faire de même. Pensons notamment aux premières communautés ayant interdit la distribution des sacs plastique sur leur territoire (comme Leafs Rapids au Manitoba en 2007 !), ou organisé des campagnes de distribution de sacs réutilisables menant à une baisse significative de la consommation de sacs plastiques. Ou encore à des témoignages de commerçants ayant tenté l’expérience sans perturber les activités économiques.
  3. Regard sociologique et géographique : Les comportements des consommateurs varient selon les contextes culturels et socio-économiques. Des sondages et analyses sociologiques ont permis de comprendre la perception des citoyens et commerçants face à l’interdiction ou la tarification, en plus de générer des facteurs facilitants l’acceptation populaire et l’adoption d’un nouveau comportement (efforts de communication, sensibilisation, stratégies d’influence). La Ville de Montréal avait d’ailleurs étudié les enjeux et impacts d’un bannissement des sacs d’emplettes à usage unique. 


Sacs de plastique à usage unique : le point pivot du changement de comportement 

Pour atteindre le « point de bascule », les efforts ont ciblé : 

  • Les décideurs politiques, qui ont adopté des lois interdisant ou taxant les sacs plastiques. C’est le cas du Canada, dont le Règlement interdisant les plastiques à usage unique (RIPUU) est entré progressivement en vigueur depuis décembre 2022 (jusqu’en décembre 2025). De plus en plus de municipalités adoptent des règlements complémentaires aux mesures provinciales et fédérales. 
  • Les citoyens et citoyennes engagé·s, qui ont été équipés de sacs réutilisables et formés à de nouvelles habitudes grâce à des campagnes de sensibilisation. 


Résultat : une normalisation de l’utilisation des sacs réutilisables 

Ces efforts conjoints ont mené à une normalisation de l’utilisation des sacs réutilisables dans de nombreuses régions, et à un déclin rapide de l’usage des sacs plastiques à usage unique. Ce changement s’est produit grâce à une mobilisation stratégique des connaissances et des acteurs clés, démontrant la force d’un effet domino. 

Cet exemple montre à quel point la mobilisation des connaissances scientifiques, pratiques et sociales peut transformer une norme établie en faveur d’une pratique plus durable. C’est pourquoi nous utilisons la mobilisation des connaissances dans nos différentes stratégies sociales afin de se rapprocher du point de bascule de la norme sociale. 

 

* Larousse, 2025.
** Le point de bascule : Comment faire une différence avec de très petites choses, Éditions Transcontinental, 2006